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La guerre de 14, la Grande Guerre, a sans doute été l’évènement le plus marquant de l’histoire d’un village comme le nôtre. Pour Clermont, on peut dire qu’il y a un avant 1914 et un après 1918.
La vie d’avant 1914 se déroule dans la continuité des siècles passés : Clermont est un village typique de la France du début du siècle où 40% de la population active travaille  encore dans l’agriculture. Bien que le village ait perdu 100 habitants depuis le début du siècle, il en compte encore 510 en 1911. La plupart sont des petits propriétaires ou des ouvriers agricoles. Parmi eux, 190 (37%) ont moins de 20 ans.
A la veille de la guerre, il règne dans toute la France une volonté générale d’en découdre avec les Allemands, volonté entretenue depuis la défaite de 1870 par la presse et les instituteurs. Chaque Français a les yeux fixés sur la “ligne bleue des Vosges” et veut reprendre l’Alsace et la Lorraine.
La déclaration de guerre, annoncée par le tocsin le 4 août interrompt les paysans en pleine moisson. Ils rejoignent  progressivement leur régiment, le plus souvent dans l’infanterie, suivant ce qui est marqué sur leur livret militaire (le 2° jour, 3° jour, 7° jour de la mobilisation...). Comme tout le monde (y compris les stratèges et les hommes politiques ), ils croient que le conflit sera de courte durée. Beaucoup sont heureux de partir  : ils vont faire un long voyage en train, voir Paris, gagner la guerre et, couverts de gloire, ils seront de retour pour les vendanges.
Las, l’armée française connait de graves revers dès le début. En septembre, les Allemands sont près de Paris. En novembre, la bataille des Flandres fait déjà de nombreux morts. Il faut dire que nos soldats avec leur pantalon rouge et leur veste bleu vif sont de véritables cibles pour leurs adversaires.

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Avant la fin de l’année, le Maire de Clermont a déjà plusieurs fois rassemblé tout son courage pour annoncer à une famille la mort au champ d’honneur d’ un fils  de 20 ans ou d’un jeune père de famille, tel Noël Dieuaide, né en 1893, tué dans les Ardennes le 28 août.
En 1915 et en 1916, en Champagne, en Artois puis à Verdun, les chefs militaires lancent leurs troupes à l’assaut pour regagner quelques mètres de terrain. C’est la guerre des tranchées : il ne se passe rien de décisif  mais il y a des milliers de morts. Les chefs français raisonnent encore comme au temps des guerres napoléoniennes alors que les Allemands  sont généralement mieux armés et mieux équipés que les Poilus. Ils utilisent aussi les gaz asphyxiants dès avril 1915. La guerre tue encore des Clermontois: Roger Dutheil, 23 ans, mort pour la France des suites d’un coup de feu reçu au combat le 21 juin 1915 dans le Pas-de-Calais ou Justin Richard (voir commentaire en bas de cet article), adjudant, mort pour la France le 4 août 1916, tué par un obus dans la Meuse. En Lorraine meurt aussi, intoxiqué par les gaz, Jean Savignat, soldat de 2° classe, âgé de 38 ans.

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A ce moment-là, l’armée  est majoritairement composée de paysans car beaucoup d’ouvriers ont été démobilisés  pour retourner travailler dans les usines.
A la campagne, par contre, les familles se débrouillent comme elles peuvent pour continuer à exploiter leurs terres. Les femmes, les vieux et les enfants travaillent très dur et, comme les hommes au front, subissent tout avec résignation.
Pour que la production ne diminue pas trop (il faut bien nourrir le pays),les soldats ont des permissions agricoles. Les friches gagnent. La chasse, qui avait été interdite en 14, est à nouveau autorisée en 16 car les nuisibles ont proliféré.
En 1917, les agriculteurs de plus de 45 ans sont démobilisés mais comme on procède dans le même temps à l’appel des classes 17,18 et 19, il y a encore moins d’hommes dans les campagnes. De tout-jeunes hommes  quittent le village et  se retrouvent soldats. Comme leurs familles avaient dû souhaiter que la guerre s’arrête à temps!
L’ hiver 1917 est terrible sur le front: il fait -20°. Les chefs ordonnent la bataille du Chemin des Dames. C’est encore une hécatombe dont la conséquence sera une série de mutineries qu’on doit considérer comme une sorte de grève et non pas comme un mouvement général de désertion: tout simplement, les soldats en ont assez que leurs chefs les envoient se faire massacrer inutilement.
Après cette crise, les chefs changent, lancent des actions plus réfléchies et ont plus de considération pour la troupe. Dans le même temps, les Américains entrent en guerre, il y a enfin un commandement unique avec les Anglais. L’armée française retrouve le moral et on peut commencer à espérer une fin prochaine de cette guerre. Les Allemands savent aussi qu’il faut en finir : ils tentent l’offensive de la dernière chance et en juillet 18, ils sont près de Paris. Enfin l’armistice est signé le 11 novembre et les cloches sonnent dans toute la France pour annoncer la paix.

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Les Français et leurs alliés ont remporté une victoire militaire totale. En fait,  avec le recul, les historiens disent que c’est toute l’Europe qui a perdu la guerre. De tous les pays, c’est la France qui a les pertes les plus importantes. Des régions entières sont dévastées, l’économie est ruinée et surtout plus d’un homme sur dix d’âge actif est mort. Dans un village comme le nôtre, la proportion est encore plus importante: 30 morts pour un total d’ environ 250 hommes, cela doit représenter 1 sur 7 ! Il y a eu 40 000 morts en Dordogne. Dans tous les villages, la tristesse règne. Chaque famille pleure son ou (souvent) ses morts.
Parmi les hommes qui sont revenus en 1919, beaucoup sont invalides (gazés ou amputés). Tous  sont, comme on dirait de nos jours, traumatisés par ce qu’ils ont vécu pendant plus de 4 ans. Jusqu’en 1970,1980 pour les plus heureux, ils raconteront leurs batailles à la fin des repas.
Même s’il y a à nouveau des naissances (18 en 1920 contre 7 en 1910) et des mariages (où l’homme est un peu âgé), la torpeur s’installe. En 1921, sur les 476 habitants de Clermont, 99 (20%) ont plus de 60 ans. Avant-guerre, ils ne représentaient que 13%.
Des hommes  de 30-35 ans deviennent des Anciens Combattants. Ils ont conscience d’avoir été la classe des sacrifiés, ceux qui ont fait la der des der. Les uns veulent reprendre la vie comme avant et achètent les terres vendues par les veuves de guerre. D’autres préfèrent partir : dans les tranchées, ils ont côtoyé des citadins, ouvriers, employés, fonctionnaires ou des paysans venus de régions plus développées que la nôtre. Miraculeusement, ils ne sont pas morts ; ils peuvent maintenant choisir leur vie.
Le vingtième siècle sera pour eux à l’image de cette guerre où l’on a vu à la fois des régiments de cavalerie et des avions. Nés au temps des carrioles, ils verront à la télé les premiers pas de l’homme sur la Lune.

Au début des années 20, chaque commune fait ériger un monument à ses enfants morts pour la France. Ces monuments sont l’hommage laïc rendu aux victimes dont la mémoire est évoquée chaque dimanche à la messe.
En février 1924, le Conseil Municipal de Clermont approuve la construction du monument aux Morts là où il se trouve actuellement. En mars, le Maire de Clermont, Edmond Faure  passe  sa commande à l’entreprise Rombaux de Jeumont dans le Nord. Il s’ agit  d’un monument de granit belge “France au drapeau”. La ville de Jeumont se trouve sur la frontière et M. Rombaux possède des carrières en Wallonie. Les 30 noms seront gravés et dorés, de même que les prénoms. Le prix, fourniture, transport, pose et main d’oeuvre compris est de 10 500 F. Une souscription organisée dans la commune, le 10 avril 1924, permet de recueillir la somme de 2135,50 F. Cent sept habitants ont donné.
L’entrepreneur précise sur le bon de commande, peut-être à la demande du conseil municipal, que  ni la matière première ni la main d’oeuvre ne seront d’origine allemande.

Pour lire la Chronologie de la Grande Guerre à Clermont, cliquez .

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texte de Josette Calandreau, illustrations extraites de l'exposition du 11 novembre 2009

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